Rainmakers, leveurs de fonds en France, est allé à la rencontre d’Alain Berger : un des créateurs du financement bancaire pour startups. Grâce à son approche innovante et son envie de répondre à un besoin non satisfait, il a su convaincre la banque de développer une offre spécifique pour les startups !
Comment avez-vous eu l’idée de créer cette offre nouvelle ?
« Le point central est l’analyse du bilan »
J’ai commencé dans la banque en 1970. Face à l’émergence des sociétés innovantes, fin 1995, j’ai constaté que les pratiques bancaires ne répondaient pas aux besoins des startups. J’ai donc développé une nouvelle méthode capable de répondre aux spécificités de cette demande.
Quelle a été votre approche ?
Le point central de la méthode est l’analyse du bilan. En termes d’analyse de bilan de société, on avait l’habitude de tenir à l’écart les sociétés qui généraient des pertes, car la pratique des banques n’allait pas dans le sens de prêter à des sociétés dans cette situation.
« Des pertes enrichissantes »
Mais pour les startups, il ne s’agit pas de pertes d’exploitation mais de pertes dues à la R&D. Et contrairement aux pertes d’exploitation qui appauvrissent la société, dans le cas des startups, les pertes dues à la R&D enrichissent la société, d’autant qu’elles sont souvent financées par des apports en fond propres. J’en avais les preuves : certaines sociétés qui n’allaient pas au terme de leur objectif (de croissance) avaient cumulé des pertes conséquentes sur plusieurs années, mais malgré cela, elles se vendaient paradoxalement pour un montant quasiment équivalent aux pertes cumulées de l’exercice ! Pourquoi ? Parce qu’elles s’étaient en réalité enrichies de leur R&D, et que certains groupes plus avancés dans leur cycle de vie voulaient acheter la startup pour s’éviter les frais, risques et délais de R&D (déjà supportés par la startup).
Il était donc évident qu’il ne fallait pas faire une analyse classique des startups.
Et le CIR dans tout ça ?
« Il vient en réalité financer une partie de la R&D »
Le deuxième élément à prendre en considération est effectivement le CIR (Crédit Impôts Recherche). Les banques avaient tendance à penser que si les sociétés équilibraient leurs comptes, ou faisaient moins de pertes que prévu, c’était grâce au coup de pouce de l’état par l’intermédiaire du CIR. Là aussi ce peut être une erreur d’appréciation, car le CIR ne vient pas combler des pertes, il vient en réalité financer une partie de la R&D, (à hauteur d’environ 50%).
Comment est né, concrètement, l’offre de financement bancaire pour startups ?
« Il y avait besoin de les accompagner avec les services bancaires »
Par la suite, BNPP a décidé de créer des centres d’affaires entreprises. Ces centres d’affaires étaient à l’origine dédiés à des sociétés relativement importantes (capitalisation, Chiffre d’Affaires…).
J’étais dans une organisation (la banque) dédiés aux grandes entreprises, que l’on a mise à disposition des startups dont on supposait qu’elles pouvaient avoir des besoins similaires.
Les startups émettaient donc des besoins qui étaient du niveau de ceux des grandes entreprises. Ex : l’introduction en bourse. Les IPO (Initial Public Offering), autrement dit les entrées en bourse, intéressent les filiales ou directement les banques pour différentes raisons.
Elles doivent un jour ou l’autre, pour se financer, avoir recours au marché. Il y avait donc là un véritable besoin de les accompagner avec les services bancaires (comme on le fait pour une levée de fonds).
Ainsi, j’ai pu présenter mon activité au groupe, et faire découvrir les spécificités de notre centre d’affaires. Mon expérience et mes résultats dans le domaine des startups étaient déjà reconnus en termes de développement et de rentabilité pour la banque. La Direction a fait en sorte que ce modèle soit développé dans les groupes BNPP de toutes les régions dans les années 2012.
Ce modèle s’est-t-il étendu dans d’autres banques ?
« Ces pôles sont de véritables organisations dédiées à l’innovation et aux startups »
J’ai quitté la banque en 2012 et j’ai créé ma propre activité de conseil.
Dès les premiers mois j’ai été contacté par 2 autres banques qui, au regard du modèle que j’avais développé avec BNPP ont souhaité avoir recours à mes conseils pour développer eux-mêmes leur pôles innovations. Ces pôles sont des véritables organisations dédiées à l’innovation et aux startups.
Depuis cette époque, ce sont donc des organisations spécifiques, avec des chargés d’affaires dédiés à cette activité. Leurs seuls clients sont les startups. Ils ont une formation adaptée répondant à ce besoin particulier. L’analyse financière classique, telle qu’elle existe dans les livres, ne convient pas pour ce genre de société.
Afin de convaincre les banques de ma méthode, je leur démontrais que leur modèle n’était pas adapté à ces sociétés : vous prêtez à des entreprises qui ont prouvé par le passé qu’elles avaient une rentabilité permettant de rembourser les prêts futurs. Sauf que la rentabilité passée n’est absolument pas garante de la capacité future à rembourser !
Quelle est votre activité aujourd’hui ?
« Je me suis positionné en tant que traducteur »
J’avais réalisé autre chose : les entrepreneurs et les banquiers ne parlent pas toujours le même langage. Je me suis ainsi positionné en tant que « traducteur » et c’est une grande plus-value de mon travail ! Je constitue aussi les dossiers (Aide aux Business Plan, Plan financier…) pour mes clients qui sont ainsi soulagés de cette tâche lourde et très chronophage.
De quoi est composé un dossier de financement bancaire pour startup ?
« Ça ne se passe jamais comme ce qu’on a prévu ! »
Les dossiers sont composés d’abord du Business Plan, pour lequel je challenge mes clients : ils doivent savoir expliquer comment ils vont réaliser leurs prévisions, et donc connaître ou à défaut construire leur Roadmap. Je les incitecà décliner plusieurs BP différents. Cela consiste à répondre à la question : Comment je fais si le cas n°1 ne fonctionne pas ? En effet, réaliser le CA prévu dans 5 ans relève d’une hypothèse. Mais en réalité personne ne sait ce qu’il se passera. Les entrepreneurs doivent se demander ce qu’il se passe s’ils n’obtiennent pas les financements. Sont-ils capables de réduire la voilure et de continuer à vivre ? Avoir une voile sur le bateau permet d’avancer mais moins vite que si on en a trois. On se pose également la question de savoir s’il est nécessaire de faire une levée de fonds.
L’entrepreneur est par nature très optimiste, et d’ailleurs il ne peut pas faire autrement. Cependant, il doit prévoir des alternatives dans le cas où ça ne se passe pas comme prévu. Car il faut bien savoir que ça ne se passe jamais exactement comme prévu ! Dans toute ma carrière, je n’ai jamais vu un business plan se réaliser exactement comme sur le papier.
Le BP est donc un guide qui permet de s’adapter à la réalité.
Une fois le dossier monté, je sollicite les banques. Ma présentation est un condensé des informations et je prépare l’argumentaire pour convaincre.
Y-a-t-il une complémentarité de services entre banques, investisseurs et leveurs de fonds ?
« C’est vraiment une relation tripartite »
L’attente d’une banque dans le financement d’une startup est de retrouver sa mise et si possible avec des intérêts. Son objectif est de se faire rembourser.
Le fonds d’investissement a un objectif sur le futur, et donc un objectif de plus-value.
Mais notre travail est complémentaire ! Car si les banques prêtent à une société c’est autant d’argent que le fonds n’a pas à financer. Et donc son TRI (Taux de Rentabilité Interne) ne peut être que meilleur.
Ex : La startup recherche 1million. Si le fonds investi seul. Il doit financer 1 millions. Alors que si la banque a déjà apporté 300 K€, le fonds ne doit plus qu’apporter 700K€.
Dans ces deux cas le développement de la société est le même.
L’investisseur a donc intérêt à ce que les banques financent, car il obtient un meilleur TRI et ça le rassure.
La banque n’est pas là pour financer ce qui relève du capital, le capital a son rôle et les subventions également. C’est vraiment une relation tripartite. Et ça a un avantage ! Chacun finance ce qu’il connait bien, cela rassure, d’autant plus que cela permet de multiplier et donc d’approfondir l’analyse. Car l’analyse de la banque, ou de BPI, ou des venture capital ne sont pas les mêmes. Et ces 3 analyses sont complémentaires.
Dans l’analyse des startups il est aussi important d’apporter une analyse personnelle et ne pas rester dans le formalisme des ratios !
C’est cette analyse différente que je continue de promouvoir auprès de mes clients et des banquiers.
Notre métier de conseil permet de rentrer en intimité avec l’entrepreneur, et c’est essentiel pour que celui-ci puisse obtenir ses financements et/ou réaliser une levée de fonds.
Nous remercions grandement Alain BERGER pour cet entretien !
Leveurs de fonds en France, les consultants Rainmakers accompagnent les Start-Up avant, pendant et après leurs levées de fonds. Nous intervenons sur Lyon, Grenoble, St Etienne, Paris, Toulouse, en seed et série A.
Raphaël CHAMPAGNE