« Je ne souhaite pas perdre la majorité »

Combien de fois n’avons-nous pas entendu les startupers nous faire part de ce souhait, derrière lequel se cache le plus souvent la peur de perdre le contrôle ou pire, de se voir débarquer du jour au lendemain.

Certes, les décisions engageant la gouvernance de l’entreprise – modification du capital ou des statuts, nomination des instances de direction etc…- sont prises sous certaines conditions de majorité des droits de vote définies dans les statuts. De la sorte, au gré des augmentations de capital, le fondateur peut ne plus être maître chez lui.

Pour autant, le majoritaire ne peut se comporter en potentat absolu !

  1. La loi donne des droits aux associés minoritaires et interdit les abus de majorité conduisant à des décisions qui seraient contraire à l’intérêt social de l’entreprise.
  2. Lors d’une augmentation de capital faisant intervenir de nouveaux associés, par exemple des fonds d’investissement, ceux-ci demandent fréquemment -et le principe en est rarement négociable- que certaines décisions stratégiques ou de gestion ne puissent être prises sans avoir été auparavant approuvées par un comité ad hoc (dans lequel la répartition des voix diffère de celle du capital), ou tout simplement en Assemblée Générale, mais avec une majorité dite « renforcée ». On peut ainsi être majoritaire, mais ne pas pouvoir décider seul.
  3. Sans compter la possibilité pour l’entreprise d’émettre des actions avec des droits de vote double ou multiples, ou bien avec une attribution préférentielle des résultats. De la sorte, un associé proportionnellement minoritaire pourrait disposer de la majorité des droits de vote (c’est le cas de Mark Z., qui possède 51% des droits de vote de Facebook, alors qu’il ne détient que 13% de la société), ou au contraire, un associé possédant la majorité des actions pourrait ne reçevoir qu’une faible partie des gains.

A l’inverse, un fondateur devenu minoritaire au gré des tours successifs ne perd pas forcément le pouvoir, tant qu’il maitrise de fait l’ascendant sur les équipes, les clients et partenaires, la technologie et qu’il garde la maîtrise des décisions de gestion.

Il convient également de tenir compte des alliances qui ne manquent pas de se nouer au sein d’un board : un fondateur minoritaire, mais ayant rallié à sa cause d’autres minoritaires même marginaux pourra alors disposer de plus de pouvoir qu’un associé financier disposant pourtant, sur le papier, de droits de votes en quantité supérieure.

On rappellera enfin que des situations censées être figées à un moment donné peuvent parfaitement être renégociées quelques années plus tard au moment de décisions structurantes, par exemple la revente de l’entreprise ou son refinancement ou la relution des fondateurs via des mécanismes de management package. L’expérience montre alors que tous les cas de figure n’ont pu être prévus, que chacun agit alors en fonctions de ses atouts, de ses valeurs et de ses intérêts. Même les majoritaires peuvent se retrouver pris en corner …

En d’autres termes, la question du pouvoir au sein de la gouvernance de l’entreprise relève comme partout ailleurs d’un mélange délicat de rapport de forces -lui-même intégrant le paramètre juridique mais pas uniquement-, de collaboration créative et enfin de capacité de comprendre et associer les enjeux des différentes parties prenantes à la création de valeur(s). Le pouvoir en entreprise va souvent avec le succès, le reste n’est que subtil jeu de curseurs, d’influences, de négociation : tout est politique.

A cet égard, il convient donc d’éviter tout fétichisme du 50% ! d’ailleurs, ne vaut-il pas mieux posséder 5% d’une société valorisée 1 milliard grâce à la croissance que les investisseurs auront contribuer à financer que 50% d’une société qui a fini par plafonner à 10 millions ?

Quelques questions à se poser :

  • L’équilibre prise de risque financier/participation aux bénéfices/participation à la gouvernance me parait il « fair-enough » ?
  • Le fondateur est il incontournable dans l’entreprise, quelle que soit son % dans l’actionnariat ?
  • Quelles sont les capacités de nuisance, voire de blocage, de chacun des minoritaires ?
  • Quel est la roadmap de financement ? A quel moment est-il le plus opportun de « lâcher la majorité » ?
  • Quels mécanismes juridiques mettre en place pour contrebalancer la dilution au capital ?

Cet article a 2 commentaires

  1. Didier Bernard

    thanks !

  2. cash bonus

    Perfectly composed written content, Really enjoyed looking through. Merla Findley Lorrin

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