INTERVIEW de Marc de Garidel, CEO de Corvidia Therapeutics

par Anne-Sophie Gouzy

Bonjour Marc de Garidel,

vous êtes, depuis 2018, le PDG de la biotech Corvidia Therapeutics spécialisée dans la recherche, le développement et la commercialisation de thérapies transformatives pour les maladies cardio-rénales.

Certes, Corvidia n’est pas une startup comme les autres puisqu’elle est une spin-off d’AstraZeneca, et vous n’êtes pas un CEO comme les autres, vous avez (entre autre) dirigé IPSEN, un des grands groupes pharmaceutiques français et participé à asseoir la présence de la France sur le marché mondial des industries de santé.

Votre regard porte donc bien au-delà d’une simple expérience personnelle.

Sofinnova, le premier et le plus important investisseur de Corvidia a annoncé, en  juin dernier, sa cession au groupe pharmaceutique  danois Novo Nordisk pour un  montant de plus de 2 Milliards de dollars. Un autre actionnaire, HBM, quant à lui suisse, a annoncé se séparer, à cette occasion, de sa participation de quelques pourcents du capital de Corvidia.

Tout d’abord, Pouvez-vous nous expliquer rapidement dans quel contexte vous êtes arrivé à Corvidia ? et quelles relations avec les investisseurs vous aviez, notamment avec Sofinnova ?

« Je suis arrivé chez Corvidia par l’intermédiaire de la présidente de la société que je connaissais car nous étions ensemble au conseil de Vifor Pharma (Suisse) et j’avais partagé mon désir de mener un projet entrepreneurial basé aux US. Je connaissais bien par ailleurs le fonds Sofinnova Partners à Paris. »

Pendant ces 2 années, quelles ont été la nature et la fréquence de vos échanges avec les fonds actionnaires ? Pouvez-vous nous expliquer ainsi comment cela se passe la collaboration et surtout la contribution de l’investisseur au dirigeant que vous êtes ?

« Ma première tâche chez Corvidia fut de lever 60M pour financer une phase 2 pour réduire l’inflammation chez les patients qui ont une insuffisance rénale chronique. Dans ce cadre-là, j’ai fait venir de nouveaux investisseurs basés en Californie, à Boston, à Paris et en Suisse. La collaboration avec les investisseurs est évidemment sur la question du développement de la molécule et du financement de celui-ci. Dans le cas de Corvidia, le défi particulier était que le marché potentiel du médicament était énorme mais le coût de développement aussi. La phase 3 devait coûter 300 millions à financer sans parler de la commercialisation. Choisir le bon chemin n’était pas une chose facile. »

Beaucoup d’entrepreneurs perçoivent assez bien la relation synergique avec l’actionnaire-venture capital, mais « fantasment » plus cette étape cruciale de la sortie. Comment s’est organisée la gestion des responsabilités dans les négociations avec l’acheteur et dans le choix du timing de cette cession ?

« La responsabilité du management est d’offrir des solutions aux investisseurs. J’ai  donc poursuivi une double  politique  : préparer un financement massif de la phase 3 en  combinant une IPO et des financements complémentaires style royalty. En parallèle, nous étions en discussion avec des big Pharma  pour étudier des collaborations. Les négociations avec les partenaires sont menées par le management.   Mais les investisseurs définissent le minimum de retour sur investissement qu’ils souhaitent ainsi que des réflexions sur la distribution du cash dans le temps ainsi que des considérations juridiques classiques. Le timing de la cession correspondait aux résultats de la phase 2b qui allaient rassurer les acheteurs potentiels sur la qualité du produit dans un domaine scientifique très innovant puisqu’entre immunologie et cardiovasculaire. Comme nous avons eu plusieurs offres, les investisseurs avaient à choisir celles qu’ils jugeaient la meilleure et ce ne fut pas si facile que cela. »

Avant les annonces officielles de cession de la startup, de nombreuses rencontres avec l’acheteur potentiel sont nécessaires. Notamment celui-ci opère à, ce qu’on appelle, une « due diligence », un audit global qui permet de se mettre d’accord sur les véritables acquis de l’entreprise et donc sur sa valorisation.

Pouvez-vous nous éclairer sur votre implication dans cette phase ? Quels risques portez-vous à ce moment-là ? entre transparence et valorisation, entre risques et opportunités la frontière est ténue. Auriez-vous des réflexions à partager sur cette phase d’audit un peu singulière ?

« Oui, le processus de vente ne se fait pas en 5mn. Dans notre cas, nous partagions nos progrès dans les grands congrès internationaux car nous étions à la pointe de notre science. Nous voulions recueillir leur opinion sur ce qui les intéressait et notamment la stratégie Règlementaire. Un an après mon arrivée, nous avons reçu notre première offre de rachat que nous avons rejetée. À JP Morgan en janvier 2020, nous avons à nouveau partagé des informations sur des essais en aveugle lors de notre phase 2 que Novo a particulièrement appréciées. Novo a fait une longue due diligence chez Corvidia et a attendu les résultats finaux pour confirmer son offre. Il y avait de la concurrence mais, chez Novo, ils croyaient en notre produit et en notre équipe. »

Peut-on vous demander si, pour vous, l’aventure Corvidia continue ou si vous partez vers de nouvelles activités pour garder ce registre de croissance exponentielle dans lequel vous évoluez depuis plusieurs années ?

« Oui, après quelques temps de réflexion, je repars dans un autre projet entrepreneurial à Boston que je commencerai début octobre.

A suivre pour de nouvelles aventures ! »

Marc de Garidel

Je vous remercie pour le temps que vous nous avez consacré et pour la matière à réflexion que vous nous avez offerte.

Je vous souhaite de belles nouvelles émotions professionnelles.

Anne-Sophie Gouzy

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